TERRAIN MINEURS (Tribunal pour Enfants du TGI de Paris tourné en 2017-2018)

UNE IMMERSION CONTEMPORAINE AU TRIBUNAL POUR ENFANTS DU TGI DE PARIS

sortie salle avec débats 5 mars 2019 LM cinéma Les 3 Luxembourg

Sélection compétition Officielle FIPA 2018 (version tv 2 X 1 h 58′)

52’ France 3 région Ile de France et l’Heure D, titre « TRIBUNAL POUR ENFANTS », Festival international du Film Judiciaire – une centaine de rencontres magistrats et élèves ont eu lieu dans des lycées collèges sur Paris, novembre 2018

Au TGI de Paris dans le principal Tribunal pour Enfants en France, le seul habilité à traiter des dossiers internationaux d’où la présence d’une diversité de familles aux origines différentes, sur la durée de 10 mois (5 in extenso, 5 ensuite) nous avons filmé le quotidien du Tribunal pour Enfants avec des autorisations exceptionnelles.

La majorité des familles ont refusé de se laisser filmer. Seules quelques familles issues de milieux défavorisés ont accepté notre présence. Les familles de milieux aisés ont toutes exprimé un non catégorique.

Le film expose la part du travail des juges. La complexité apparaît entre l’incertitude, la douleur, et l’espoir de protéger l’enfance en devenir.

version FIPA

partie 1 / audiences au pénal

https://vimeo.com/536667090

partie 2 / audiences éducatives

https://vimeo.com/536666680

long métrage

https://vimeo.com/446498273/

extraits de presse 

 » Le film Terrain Mineurs montre, sans complément d’information, ce qui se déroule au Palais de Justice de Paris, au Tribunal pour Enfants, dans le cabinet du Juge et quelques séquences ou passages dans ce qu’on appelle le dépôt.

La caméra est posée, interrogative, attentive, discrète dans le cabinet du Juge, le box d’entretien de l’éducateur, ou le cabinet du substitut au parquet des mineurs. Les séquences sont entrecoupées par le bruit de pas dans les couloirs du Palais de Justice dans l’Île de la Cité, sans doute un des derniers témoignages de la longue vie de ce majestueux palais qui s’ouvre sur la cour du Mai. On n’y voit aussi les multiples déplacements, des habitués, greffiers et chariots à dossiers, avocats, policiers et citoyens dans toutes les configurations. Ce “tempo” entre les différentes séquences d’entretien, d’échange voire de confrontation entre les magistrats et les mineurs permet de souffler, comme une “respiration”, tant ces moments sont denses, ‘bousculants’, violents, faits de remontrances ou d’élans d’espoir mais toujours inachevés dans l’objet qui est de rendre la justice dans les affaires dont les auteurs présumés sont des mineurs.

La “violence” de la Justice, des lieux, des uniformes, des menottes, ce sont les images qui nous viennent quand on entend parler des affaires au pénal. Comme les représentations que nous nous faisons, souvent, des jeunes qui ont affaire avec la justice, délinquants ou pas. C’est ce qu’ils nous montrent Bertrand de Solliers et Paule Muxel dans leur document, “brut” sans autre commentaire que celui que nous allons nous formuler au long des différents plans du face-face enfant-juge. Chaque magistrat, à sa façon questionne, interprète, opine, hésite, décide de l’orientation sachant qu’il a deux casquettes, le Juge des Enfants est là pour protéger les mineurs, mais aussi punir en préservant l’éducatif.

Quand on découvre la justice des mineurs à travers ce film, on est saisi par la complexité des situations des mineurs, les rapports humains qui se frôlent ici sans s’établir, qui choquent les sensibilités et laissent perplexes sur la difficulté du chemin à suivre, de la meilleurs “aide” à apporter. Si on a une idée ou une connaissance du contexte de ce “Terrain Mineurs” on est également pris par ce devenir “impossible” qui semble caractériser chaque situation ou cette séquence de la vie des jeunes dont on fait une brève connaissance.

On imagine les difficultés du tournage. Après les autorisations (multiples) à obtenir on sait les oppositions rencontrées avec les familles auxquelles on doit demander l’autorisation de tournage. On suppose que les familles des milieux sociaux plus aisés se sont opposées, même si on ne voit jamais les mineurs et on devine plutôt qu’on ne voit les parents. En revanche on perçoit les mains, le langage gestuel souvent explicite des moments de tension. Ce sont les juges qu’on voit de face, au fond le spectateur est la plupart du temps, à la place du mineur, rien ne lui échappe du regard, des mimiques des mouvements corporels du magistrat.

Film nécessaire dans ce moment où on aborde plus largement la problématique de la protection de l’enfance et de l’enfance en danger, après que ce gouvernement ait tardé à se rendre compte de l’importance du sujet, aucun poste ministériel ne lui était spécifiquement consacré. La nomination d’un secrétaire d’État à la Protection de l’Enfance fin janvier 2019, auprès de la ministre de la Santé, donne à voir la reconnaissance de la question même s’il s’agirait davantage d’un poste qui aurait sa place auprès du premier-ministre. La question de l’enfance et de la jeunesse concerne l’ensemble des ministères, éducation, sport, justice… et pas uniquement celui de la Santé. On sait par ailleurs, que depuis la décentralisation de juillet 1983, la disparité voire l’inégalité entre les départements sur les questions de la protection de l’enfance renforce la précarité et l’abandon de beaucoup de ces mineurs.

* * A rapprocher, me semble-t-il, de l’excellente série sur Mediapart Enregistrer la justice: * par Pascale Pascariello* qui a déjà publié quatre émouvants et éclairants épisodes concernant la justice des mineurs.

* * * Actuellement sur Paris, projection du film aux 3 Luxembourg : Terrain mineurs–  le mardi 26 mars et le vendredi 29 mars à 20 heures, projection suivi d’un débat avec des magistrats.

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 » Les réalisateurs ont rapporté des scènes de vie qui suggèrent à elles seules ce qui s’y joue du destin de gamins mal partis dans la vie. L’une des plus belles et des plus fortes suit l’échange d’un juge avec un racketteur d’une douzaine d’années. Douze minutes durant se noue entre l’adulte et l’enfant un vrai rapport de force, dont la dramaturgie vise à pousser ce dernier à comprendre l’ornière dans la- quelle il s’est mis. De ses évitements butés à l’explosion finale, qui soudain nous rappelle son très jeune âge, se donne à lire le difficile exercice de la justice appliqué aux mineurs. Quand reparaît le gamin, déféré devant une juge de permanence éberluée par les quelque cinq cents pages de son dossier, on songe avec les auteurs du documentaire à la part des déterminismes sociaux dans le parcours judiciaire d’un garçon semblable à beaucoup d’autres. S’il ne répond à aucune question, Tribunal pour enfants a le mérite d’en poser et, ce faisant, nous enrichit. « 

François Ekchajzer TELERAMA

L’HUMANITÉ

 » Les deux documentaristes ont plongé plusieurs mois dans les couloirs et les salles d’audience du Tribunal pour Enfants de Paris. Loin d’être un film reportage didactique à l’extrême, leur travail a la puissance des scènes de vie qu’il capture sans ajouter des louches d’explications pour s’assurer que le téléspectateur a bien tout compris. »

Deux mondes se font face. Celui de la justice, procureurs, juges, éducateurs, avec leur vocabulaire propre, parfois abscons, et la conscience plus ou moins aiguë de leur métier. Et celui de cet échantillon de mineurs délinquants, filmés parfois en présence d’un de leurs parents, rarement les deux. Certains sont encore des enfants, d’autres deviendront dans quelques mois des adultes (…) « 

L’Humanité

« Ainsi va la justice des mineurs

Paule Muxel et Bertrand de Solliers nous font découvrir les entrailles du tribunal pour enfants de Paris

En ouverture de leur documentaire consacré à la justice des mineurs, les deux réalisateurs, Paule Muxel et Bertrand de Solliers, posent eux-mêmes les limites de leur travail. Pendant les mois passés dans les couloirs, les bureaux et les salles d’audience du tribunal pour enfants de Paris, ils n’ont pu filmer qu’une toute petite part de ce qui s’y jouait. La majorité des familles qu’ils ont croisées ont refusé de se laisser filmer. Seules quelques-unes, « issues de milieux défavorisés», ont donné leur accord. « Les familles de milieu aisé ont toutes exprimé un « non » catégorique», précisent les auteurs. Leur démarche de transparence et d’honnêteté permet d’entrer dans ce film, d’apprécier pleinement ce qu’il montre , sans prétention à l’exhaustivité et sans en tirer, comme trop souvent, de leçon générale. C’est précieux.

Deux mondes se font face. Celui de la justice, procureurs, juges, éducateurs, avec leur vocabulaire propre, parfois abscons, et la conscience plus ou moins aiguë qu’ils ont de leur métier. Et celui de cet échantillon de mineurs délinquants, filmés parfois en présence d’un de leurs parents, rarement les deux. Certains sont encore des enfants,  d’autres  deviendront dans quelques mois des adultes. Quelle décision prendre pour ri! » tenir du bon côté de la ligne l’adolescent en bascule, tout en lui faisant mesurer la gravité de ses actes ? Et avec quels moyens ?

Un éducateur regarde avec lassitude le grand ado vautré sur une chaise. « Et la loi? , lui demande t-il. C’est-à-dire ? », répond le garçon , qui s’obstine à ne pas comprendre en quoi le « petit business» de stupéfiants auquel il se livre serait un problème. Deux juges pour enfants discutent dans un bureau du cas d’un mineur qui vient d’être interpellé pour en avoir agressé sexuellement un autre, dans le foyer où ils ont été placés. Il est en récidive, il faut lui trouver d’urgence un nouveau lieu d’hébergement . «Je vais le mettre là, parce qu’il va se retrouver avec des plus grands , il osera moins…», dit le juge à son collègue. Un temps de réflexion, un soupir. «Après , bien sûr, il peut se retrouver victime…»

Tiraillement quotidien

Dans un bureau voisin, un autre juge soupire en lisant le dossier du mineur  qui va lui être  présenté.

« Mais qu’est-ce que je vais en faire de celui-là?» Il a 12 ans, il est poursuivi en récidive de racket. Lorsque le juge lui annonce sa décision de le placer en foyer, le garçon explose littéralement sous les yeux de son père impuissant. « MDR, j’irai pas! Au nom du Coran, j’irai pas!» Plus loin encore, le découragement guette un troisième juge face à l’apathie hostile d’un jeune familier de son service. « Pourquoi n’allez -vous pas aux rendez-vous avec votre éducateur? » Un haussement d’épaules lui répond. «Pourquoi avez-vous arrêté le foot?-Ça m’intéressait plus. Qu’est-ce qui vous intéresse ?Ben, j’sais pas. Et la boxe ? Ça vous dirait ? » Silence. Le juge patiente. Un « ouais » d’ennui finit par échapper aux lèvres du garçon.

Ils sont saisis là, à un âge où tous les espoirs devraient encore être possibles. Ce conditionnel est la couture invisible du documentaire. Par fonction, les juges des enfants ont un devoir ontologique d’espérance. Mais, de tous les magistrats , ce sont aussi ceux qui sont confrontés chaque jour aux situations de plus grande désespérance. La force du documentaire de Paule Muxel et Bertrand de Solliers est de montrer leur tiraillement quotidien , entre réparer, prévenir et punir. » ■

Pascale Robert-Diard LE MONDE

 

© de Solliers Muxel 2018