Histoires autour de la folie 2 rushes suite

 

Préparation du film des années 1988 à 1991 et tournages 1991 1992

couloir

photographies droits réservés Paule Muxel Bertrand de Solliers © 1988 à 1992

 

partie contemporaine

Les notes en italiques sont de Guy Baillon, médecin psychiatre, chef du 14 e Secteur à l’époque du tournage du film. Datant de 2019 elles complètent notre approche avec son regard.

910318 Destal, psychiatre

« Didier DESTAL, à l’époque psychiatre chef de secteur. Il avait été mon interne au secteur 14 en même temps que 2 autres amis (Bouley, Chaltiel), qui ne se quittaient jamais (ils avaient fait une petite BD signée les Pieds Nickelés sur moi et notre service). L’un d’entre eux Patrick Chaltiel m’a succédé en 1999, et j’ai pu lui passer le relais de la chèferie, avant de partir en retraite en 2001. Original et très indépendant, touche à tout, avant la psychiatrie. Il m’a succédé à la Commission Médicale de VE où je suis resté 2 ans. Ouvert, dynamique, et fort audacieux en même temps. Il avait d’excellents rapports avec le nouveau Directeur, Marchandet, ce qui a facilité l’évolution de la psychiatrie de Secteur sur l’ensemble des secteurs de VE de 1990 à 1998 ».

910322 Rouyet, 911125 Digo 01B

« DIGO psychiatre de VE, plus âgé qu’Hélène Chaigneau. Il a joué le jeu des débuts de la sectorisation peu avant de partir en retraite. Assez effacé dans la communauté médicale de VE. Se voulant psychiatre de modernité, mais restant à l’écart des débats syndicaux, il a créé le seul service de VE qui avait un aspect propre et respectable pour les patients avec de petits pavillons tout récents, 50 lits au lieu des 100 habituels.

J’ai en réserve une anecdote croustillante le concernant en lien avec les 13 autres psychiatres de VE en 1971 lors de la division des 5 services en 12 nouveaux secteurs se partageant les pavillons de ces services. … (un peu longue à écrire, alors qu’elle a été ‘déterminante’ pour l’évolution de ce département) »

910327 Mr & Me Bellini 01 02, de mémoire il est infirmier

« BELLINI, et madame. Lui, a été le cadre infirmier sup de Roellens. Gauchiste, conquis au projet de Basaglia en Italie. Très dynamique et fort sympathique, mais au caractère entier comme son patron. Sa femme aussi sympathique et ouverte ».

910227-910328 Lucien Bonnafe 04-05 A

910227-910328 Lucien Bonnafe 04-05 C

910329 Jeaugeas 01

910404 Gerard Vagner et sa femme 01 et 02, infirmier, a bien connu le Service Spécial

Baillon : « Gérard Vagner, avait été infirmier au Service Spécial, service fermé des alcooliques, lui-même sensible à l’alcool (ce service était fermé car recevait des patients ‘en placement d’office’, et en raison des agitations extrêmes de ces patients trop brutalement sevrés, ayant ainsi des troubles neurologiques graves).

J’y ai connu ma première grande surprise et frayeur lors de ma première garde de nuit comme interne à VE vers 1967. La porte d’entrée était toute en métal, doublée d’une seconde porte, chacune avec d’énormes serrures, ouverte par des infirmiers intimidants avec leur corpulence large, leurs grands tabliers bardés de grosses clés ? Appelé de nuit, … je ne suis pas resté longtemps, celui d’une signature … (j’aurai dû anticiper et faire connaissance de ce service la journée !) »

910404 Me Gouvy 02 administration, tutelles

910404 Me Gouvy, Grenier 03, 910722 Roger Teboul 01A, psychiatre, 13è secteur

Baillon : « Roger TEBOUL, psychiatre à VE à l’époque. Avait été mon interne, puis quelques années après avait choisi un poste de psychiatre qui s’était libéré après le passage rapide d’un collègue paresseux et donc ne supportant pas notre travail de secteur. Au début Teboul s’est montré très intéressé. Mais au bout d’un an, il s’est mis à critiquer de façon destructrice le travail que nous avions lancé loin des habitudes, avec une certaine audace et beaucoup de craintes autour d’un Centre d’Accueil et a commencé à donner aux infirmiers des orientations contradictoires au projet, ce qui les mettait en total désarroi. Teboul étant médecin ne se souciait pas du tout de leurs avis, et étant nommé par le Ministère ne se souciait pas du mien non plus. Conflit majeur. Ensuite il a voulu demander au Ministère, sans mon accord, un temps partiel, ainsi il me laisserait seul médecin en charge de tout le service. Il a fallu que j’implique d’autres instances pour qu’il préfère nous quitter et choisir un autre secteur ! Ce fut assez violent. Ainsi tout aurait pu se terminer très mal, après avoir commencé sous les meilleurs auspices ? Cet exemple fait partie des évènements qui cassent brutalement tel ou tel projet … d’équipe et sa réalisation. La lubie d’un seul médecin ! et à distance du souci d’une politique commune ?

La psychiatrie, à aucune époque, n’a été un long fleuve tranquille » …

910405 Sven Follin, psychiatre, à la retraite, l’entretien a eu lieu chez lui dans le 15è arrondissement de Paris

Baillon : « Sven FOLLIN, psychiatre, je ne l’ai pas connu, grand clinicien, très effacé en même temps. Pourtant il s’est trouvé présent à des moments charnières, mais certainement desservi par ses origines suédoises et son arrivée dans une période extrêmement grave de la guerre 39-45. (Il en parle avec précision dans son seul livre « Vivre en délirant ». Premier assistant de Sivadon, il lui a succédé en 1959, mais contre toute attente il a fait alors un bilan très négatif de l’innovation de Sivadon dans le CTRS. Il n’y est resté qu’un an et demi, et dès qu’un poste s’est libéré à Ste Anne, l’Hôpital le plus prestigieux de l’époque, il l’a aussitôt choisi ».

910408 Hélène Chaigneau 01, psychiatre, chef de service, a repris le service de Paul Sivadon

« Hélène CHAIGNEAU, « Bonjour Patronne » !

C’était notre premier mot en la voyant à 9 h à la réunion du matin dans son bureau, avec les autres internes, les 2 médecins assistants, et les surveillants des 6 pavillons du service pour la lecture commune des ‘rapports’. La Patronne, était là, à l’écoute des propos de ceux qui allaient évoquer les faits majeurs et ‘à discuter’ de la journée et de la nuit précédentes, d’abord silencieuse, puis réagissant par des questions, le plus souvent déconcertantes, sur certains d’entre eux, questions qui à la réflexion se montraient ‘essentielles’. Mais à distance de notre attente qui aurait été consignes et marche à suivre ! ‘dans la soumission’, attitude à laquelle elle portait une totale indifférence …

Ce terme de ‘Patronne’, pour la saluer, selon la coutume qu’elle donnait à son service, situe d’emblée nos rapports mutuels, témoignant du respect, mais aussitôt de la proximité, et enfin de la solidité des liens qu’elle voulait instituer entre ces acteurs et elle, et avec chacun de nous d’abord.

A l’extérieur nous ne disions pas qu’elle enseignait, elle ne disait que peu de mots, mais nous nous affirmions comme ses élèves, du moins ceux qui la reconnaissaient, car certains d’entre nous étaient rétifs, voire hostile.

Autre petit détail la Patronne ne portait ‘déjà’ plus de blouse, contrairement à l’ensemble des psychiatres à cette époque. La mode de la blouse a changé à ce moment progressivement, marquant une modification de la façon dont la psychiatrie voulait se situer par rapport à son histoire et par rapport à la médecine.

L’autre ‘événement’ du service était la réunion de service hebdomadaire (en fait ici encore avec le temps c’est à vérifier avec D. N’y avait-il pas plutôt une réunion solennelle une fois par mois, dans une autre grande salle ?) Le silence d’abord, Hélène Chaigneau attendait que l’un ou l’autre choisisse une question à débattre autour l’observation ou de l’évolution d’un patient. …

Les bureaux du CTRS, étaient situés sous la chapelle de VE, comme 2 autres. Ce qui ne manquait pas d’allure …

Ce terme de Patronne est toujours resté très fort pour chacun d’entre nous.

Il y avait un autre grand moment pour ses élèves : le jeudi une « présentation de malade » dans une grande salle annexe.

Cette forme d’enseignement classique commençait à faire l’objet de violentes critiques, car soulignée comme attitude sadique s’il en fut, dont un des exemples notoires se déroulait en public à Ste Anne, véritable ‘exhibition’ d’un être à part …

Avec la Patronne c’était au contraire l’occasion de la réintroduction d’un homme classé comme malade à part, restauré au milieu des autres humains, et sa reconnaissance.

Elle attendait que l’assistance soit assise, une vingtaine d’internes, de soignants et quelques anciens internes voulant se former pour leurs concours de Médecins qui comprenait l’examen public d’un malade (d’où sa persistance comme enseignement).

Elle demandait que le patient pressenti vienne accompagné par un infirmier proche pour se sentir entouré. Elle lui demandait de s’asseoir sur une chaise, juste devant elle, proche, elle l’accueillait aussitôt le plus simplement possible. Qu’il soit muet ou égaré, elle arrivait à occuper son attention et peu à peu entrait en contact avec lui. D’abord simplement dans le silence, déployant une simple qualité de présence souriante, sans plus. Une présence qui effaçait peu à peu tout ce qui se passait là, autour d’eux, ils étaient alors comme seuls !

Et le plus souvent le miracle s’opérait, un échange naissait, parfois très timide, parfois modeste, toujours apaisant. Un échange. Puis la patronne à un moment associait à cet échange l’infirmier ou l’interne qui l’avait accompagné, afin que ce qui venait de se passer ne soit pas quelque chose d’éphémère.

Le patient et son accompagnant repartaient.

Un temps après nous avions un échange avec elle pour approfondir la souffrance du patient et ses expressions, face à ce que la psychiatrie classique était capable de dire.

La patronne faisait là souvent œuvre créative en décrivant à sa façon le lien entre les symptômes décrits et les termes courants de la psychiatrie, nous montrant que la description pouvait être plus humaine dans sa compréhension comme dans son expression que ne le faisait la psychiatrie classique, et que l’essentiel serait ce qui allait suivre.

Pour notre malheur la Patronne ne s’est jamais lancée dans une œuvre écrite. Seuls certains d’entre nous ont su en garder l’essentiel.

Son enseignement majeur et le plus profond qui nous a tous marqués profondément a été sa « qualité de présence à l’autre », une présence sans aucune attente, sans désir, … permettant à l’autre d’accéder à lui-même, et alors peut-être d’oser créer des liens.

En 1971, lors du partage administratif des anciens Services en nouveaux Secteurs, de nombreux problèmes ont surgi. Par exemple VE ne recevait que des hommes et Maison Blanche en face, que des femmes. Mais les Secteurs bien entendu recevant l’ensemble de sa population devaient être ‘mixtes’ (mixité que les infirmiers avaient toujours refusé d’envisager !).

Hélène Chaigneau voulait être rattachée à Paris dans le souci d’y être reconnue comme acteur notoire, elle a donc été obligée de quitter VE qui ne recevrait que des secteurs du 93. Elle a dû aller ‘en face’, de l’autre côté de la Nationale, à l’hôpital de Maison-Blanche rattaché à Paris, et où elle espérait transférer ses patients hommes encore à VE, ces patients qui allaient ensuite dans les Consultations du 19éme arrondissement de Paris, avec ‘leurs’ femmes.

Ainsi elle quittait ses infirmiers de VE avec tristesse. Beaucoup lui avaient dit qu’ils la rejoindraient ‘en face’. Un seul l’a rejoint ! et non sans difficultés administratives considérables. Lamandet, son ancien cadre de VE.

Le travail qu’elle développait chaque jour avec une infinie attention aussi auprès de ses infirmiers était son souci majeur après le contact direct qu’elle avait avec les patients. Mais le carcan que les diverses divisions internes au milieu infirmier faisait peser sur les liens infirmiers entre eux renforçait leur perception d’appartenir à une ‘caste’ étrangère à celle des médecins, d’où souvent un fossé d’une profondeur abyssale. Hélène Chaigneau en avait une perception très vive et douloureuse, elle s’est attachée à tout faire pour en dénouer les fils de la façon la plus discrète et la plus profonde possible, avec une patience infinie. Pour elle le premier compagnon du patient était l’infirmier (il n’y avait pas encore toute la restructuration administrative qui a suivi en créant différentes strates de soignants, depuis ASH et aides-soignant, puis diverses couches d’infirmiers, qui ont ensuite rendu de plus en plus complexes les nécessaires rencontres globales pour assurer la continuité des soins du même patient, objectif majeur de la psychiatrie de secteur. Continuité qu’Hélène Chaigneau s’évertuait à faire reconnaître, … malgré toutes ces divisions).

La psychiatrie un long fleuve tranquille …

Pour cette raison Hélène Chaigneau aimait beaucoup aussi participer à des rencontres avec bien d’autres d’entre eux dans d’autres hôpitaux et d’autres régions et dans divers centres de formation, et se dépensait à défendre activement ces idées dans son syndicat, où elle a occupé longtemps des fonctions actives.

Hélène Chaigneau, soucieuse de formation et de transmission, écrivait quelques articles, toujours en ciselant ses textes. Nombre d’entre eux, surtout dans la revue essentielle l’Information Psychiatrique, en témoignent. Plusieurs ont été rassemblés en deux livres par ses élèves.

Hélène Chaigneau a mal vécu sa retraite et en plus a eu la malchance d’être (sans que ses amis le perçoivent) en fort mauvaise santé pour l’aborder. Son cœur lui a joué un mauvais tour l’été de la grande canicule, la surprenant toute seule chez elle où elle a dû attendre trop longtemps les secours, la laissant fort démunie les trois dernières années de sa vie. Si bien qu’elle n’a pu poursuivre son œuvre, comme elle l’aurait aimé, en témoignant de sa présence à l’autre, attention qu’elle avait constamment envers chacun de ses interlocuteurs, patient ou amis ».

910410 Fils David, 910411 Heinen 01

« Bernard HEINEN, jardinier de VE. Un homme admirable, effacé, mais ayant la connaissance la plus solide de tout ce monde végétal et animal qui entourait ces lieux de soin, au milieu à la fois des grands espaces naturels et des nombreuses serres bien cachées.

Il était l’un des acteurs discrets du seul luxe que se permettaient VE et sa Direction : mettre en valeur la beauté du jardin à l’ancienne, fort varié, très riche en couleur, voire exotique ça et là, et constamment entretenu tout au long de l’année. Comme pour sauvegarder le moral des visiteurs, leur masquant totalement la violence de l’isolement et de l’enfermement des malades.

Bernard Heinen n’était pas dupe. Communiste solide dans ses idées politiques et sociales. Il savait aussi que ces jardins étaient un grand plaisir pour les patients qui pouvaient sortir des pavillons.

Il était poète, mais discret sur ses œuvres. Ayant une parfaite connaissance de la faune et de la flore sauvage de tout le reste du domaine fort vaste plus de 120 hectares en bord de Marne, et donc bien protégé et surveillé. Un des plus beaux de ce Département, et des environs.

Je me suis plus tard fort lié avec lui grâce à l’amitié commune de Rodolphe Roellens, grand communiste, et amateur de poésie, l’un et l’autre attentifs à l’homme et son épanouissement ».

910411 David

910412 Edouard Durand et André Roumieux, infirmiers, 02 910612, Ayme 02B, psychiatre

910415 Legales et Galvagneau 01, service lingerie, stock des effets appartenant aux patients

910417 Maurice Mallet 01, infirmier

Baillon : « Maurice MALLET, infirmier, entré à mi-parcours de l’équipe dans le Secteur 14, et qui par la suite, aidé par sa haute stature a voulu jouer un rôle dans les formations infirmières. Au secteur 14 il a essentiellement travaillé au Presbytère, sans trop s’aventurer ailleurs (comme d’ailleurs son médecin, Lise Maurer) »

910417-910529 Maurice Mallet 02-03

910419 Pichard (la mère), Giri (sa fille) 01, Giri et Rodier 02, Me Giri, mémoire fin des années 1920

910502 Me Coubard

« Une dame simple et sympa de l’administration de VE, mais pas plus de souvenirs ».

910503 Helene Chaigneau 02

910503 Lamandet 01

910506-910614 Lise Maurer 01-02, psychiatre

et fin part 2

« Lise MAURER, psychiatre de l’équipe (secteur 14), a été nommée dans la vague de l’augmentation massive décidée par le Ministère quelques années avant, et selon des modalités de concours moins solennelles, ce qui était un progrès. Il semble en même temps que l’esprit « service public » se soit amoindri. Elle a choisi le Secteur 14, et y a été nommée en 1975 Lise Maurer s’est d’emblée solidement engagée dans la mise en marche de l’Hôpital de Jour dont nous venions d’obtenir la création grâce aux efforts conjoints de Fuzier Maire de Bondy et de Perrin notre Directeur, dans l’ancien Presbytère. Lise Maurer y a réalisé un travail remarquable inspiré de la Psychothérapie Institutionnelle. Elle était très appréciée par les patients de l’hôpital de jour et par son équipe. Malheureusement pour moi elle était lacanienne, moi me satisfaisant de Freud, elle ne s’intéressait que de loin à la pratique de secteur, refusant par exemple d’assumer dans notre Secteur une responsabilité tournante, d’un lieu de soin aux autres. Elle a refusé de quitter son poste jusqu’à sa retraite, et de la transmettre à un autre collègue de l’équipe. Le risque était aussi que cette unité de soin modeste (15 à 20 patients) devienne un lieu isolé ayant une clientèle réduite. Ceci étant Lise a très bien joué le jeu des autres répartitions de responsabilité pour faire fonctionner l’ensemble du service. Par contre ne cherchant pas à s’impliquer non plus dans les débats divers que justifiaient la Communauté Médicale avec les 12 équipes de Secteur de VE, et encore moins dans les échanges à avoir au niveau Départemental avec les 5 autres équipes supplémentaires d’Aulnay sous-bois et Saint Denis. …

Au demeurant, très honnête, sévère même, réservée, à l’écoute aussi du champ social environnant, mais avec prudence.

Ces divergences sont là les aléas du travail dit d’équipe ! Oppositions constructives … avec le risque que chacun choisisse ses limites … ‘à sa guise’ ».

910511 Gerard Vagner 03 04

910521 Maurice Mallet 03

910523 Guy Baillon, psychiatre, médecin-chef du 14è secteur à l’époque du tournage, Bondy

Guy BAILLON, tapageur, « boy-scout » écervelé, d’après la BD de 1975 des 3 internes Pieds-Nickelés dont l’un est devenu Chef du secteur 14 à sa retraite en 2001, Patrick Chaltiel ».

910528 Degrassa 01 (associé à citation Artaud théatre du Vieux Colombier)

« Degrassat, une des pharmaciennes de VE, très peu impliquée dans nos liens à cette époque, mais beaucoup plus tard ».

910529-910612 Jean Ayme 01 02A

« Jean AYME, Président du Syndicat de Psychiatres des Hôpitaux, le SPH, qui a été l’un des groupes et des espaces de débats et de formation essentiels pour la majorité des psychiatres, jusqu’en 1984, date de son éclatement en 3 à 4 syndicats plus modestes, sous le poids de l’augmentation brutale du nombre des Psychiatres. Ce syndicat a été en même temps un acteur incontournable dans toute négociation des psychiatres avec le Ministère. Et là J. AYME était magistral, et fort admiré et soutenu. Il n’est pas venu à VE.

Les Réunions de Parents, ici à l’hôpital de jour de Bondy, le Presbytère. Ces réunions ont été un point fondamental du changement de nos pratiques, mais très difficiles à faire accepter. Je ne peux pas cacher que nous, psychiatres, étions nous-mêmes très à l’aise ! Il fallait ainsi franchir tant d’interdits, et nous ne savions pas ce que cela allait entrainer chez les patients. Une certitude régnait encore : pour beaucoup de soignants, les troubles de ces patients provenaient des inconduites de leurs parents … Personne n’avait démontré le contraire. Et comment s’y prendre pour rétablir des liens sans blesser à nouveau ? D’où notre timidité.

Nous les avons tentées aussi ailleurs, très rarement dans le service hospitalier (et pourtant !). Souvent au CMP et dans les rencontres autour de l’Association de secteur et nos tentatives de liens avec les structures de la Cité, ce qui nous a mené pourtant vers 1990 jusqu’à la création d’un Conseil de Secteur, rassemblant des représentants aussi des mairies en même temps, et bien plus tard jusqu’à la création de structures médico-sociales assurant la suite et le complément des soins, … dernière étape de la psychiatrie de secteur, s’appuyer sur les ressources de la ville ».

910530 Jaeger 01 910612, Jean Ayme 02C

« JAEGER, psychologue. Je ne suis pas sûr qu’il ait travaillé à VE, mais je l’ai rencontré à de fréquentes occasions, autour des échanges sur la Psychiatrie de Secteur où il s’est engagé, par exemple autour de la question des formations des soignants. Puis ensuite au Ministère de la Santé, aux côtés de Jean-François Bauduret responsable du Bureau de la Psychiatrie au Ministère de la Santé de1983 à 1990. JF BAUDURET a joué un rôle tout à fait déterminant dans les choix de l’Etat sur la Psychiatrie de Secteur. Il avait succédé à Marie Rose Mamelet (MRM, fille de Directeur d’Hôpital et donc connaissant à fond ce milieu), et c’est elle qui l’a formé, dans un domaine tout nouveau pour lui. Ces filiations ne sont pas un détail.

J’ai très bien connu JF Bauduret, ayant participé avec lui à La Commission des Maladies Mentales (CMM) qu’il présidait. Elle était née à la suite de la Commission Demay, convoquée auparavant par MRM, provoquée en 1981 par le grand discours de Jack Ralite, Ministre de la Santé de F Mitterand. Dimitri et moi avons eu l’honneur d’y participer avec une trentaine d’autres personnes de divers horizons et professions de 1981 à 1983. Son travail a dégagé les lignes de force de la Politique de Secteur, mais n’a pas été rendue officielle, pour des raisons politiques voulant écarter les voix communistes. A sa suite la nouvelle CMM de 1983 à 1985 composée d’autres personnes, seulement psychiatres, mais sans Dimitri, a permis au Ministère de proposer un article de loi créant officiellement le Secteur Psychiatrique en 1985, et d’établir la définition des lignes directrices de l’application de la Psychiatrie de Secteur, en particulier la diversité de ses institutions, ne laissant à l’hospitalisation temps plein qu’une place modeste, au milieu de 11 autres (la circulaire est parue en 1976). Ce n’est qu’à partir de là qu’elles ont pu commencer à être appliquées dans toute la France.

Jaeger a participé à deux livres écrits avec JF Bauduret qui résumaient avec précision toutes ces innovations. Ces livres ont aidé à les faire connaître, pour enfin les faire appliquer, ce qui allait se faire très progressivement à la vitesse de ses différents Directeurs d’Hôpitaux, et de la dynamique des acteurs Départementaux. Ce détail donne la raison essentielle de ce qui a fait scandale par la suite (et reste présent dans le derniers Rapports Nationaux comme celui des députés de septembre 2019) : l’inégalité considérable de l’état de la psychiatrie entre les 93 Départements.

Soulignons que cette dynamique essentiellement administrative, s’appuyant sur divers cliniciens entre 1981 et 1990 montre les Administrateurs ‘éclairés’ comme étant des acteurs incontournables, nécessaires et sérieux (certes pas tous). Hélas au lieu de donner de l’élan, certains psychiatres et infirmiers s’en sont saisis avec l’a priori que tout ce que fait l’Administration est ‘louche’. Cela persiste aujourd’hui encore ! Comme s’il fallait que les ‘psy’ aient un ennemi pour oser défendre la psychiatrie et son originalité dans le monde du soin s’appuyant sur les ressources de la Cité.

Ces administrateurs savaient aussi mouiller leur chemise : JF Bauduret (à la suite de nos échanges à la CMM) était ainsi venu visiter notre nouveau Centre d’Accueil à peine né depuis un an, en 1985. Il a aussitôt décidé de l’inclure dans les 12 structures à développer en espérant que ces centres se multiplieraient. En fait cette expansion à peine commencée a été stoppée quelques années après car certains psychiatres ont voulu en profiter pour obtenir une augmentation de leur personnel, alors que chacun savait que la transformation de notre travail devait se réaliser à coût constant. C’est ainsi que notre équipe, l’ayant anticipé, avait fermé une unité hospitalière pour transférer son personnel dans le Centre d’Accueil qui allait si profondément renouveler les soins pour l’ensemble du secteur, fermeture que les autres équipes refusaient de faire !

La question des « moyens » présentée comme étant pour certains la seule clé pour oser changer les pratiques, commençait à faire des dégâts, cela non plus ne s’est pas arrêté jusqu’à ce jour en 2019. Une transformation n’engage pas automatiquement une augmentation de moyens ».

910605-910705 Claude Postel 01-02A, psychiatre, médecin-chef, entretien à Sainte Anne

« POSTEL, je l’ai peu connu, psychiatre à Ste Anne, féru d’histoire de la psychiatrie, mais très distant de l’engagement autour de la psychiatrie de secteur ».

910610 Linais 01

910613 Daniel Zagury 02, psychiatre

Baillon : « Daniel ZAGURY, psychiatre, assistant de Jacques Chazot, puis son successeur. Totalement engagé dans la psychiatrie de secteur, et fidèle dans le travail réalisé ensemble, entre secteur 14 et 11, d’abord au Centre d’Accueil quia été commun pendant trois ans. Nous avons dû arrêter, et rester chacun sur notre secteur, ce qu’il a accepté. Puis en partageant avec nous l’arrivée dans la Clinique de Bondy, où nous avions chacun un étage. Le voisinage et les gardes se sont toujours bien réalisées.

Mais nous n’avons jamais été plus loin dans des échanges cliniques par exemple. En fait c’est mon successeur, Patrick Chaltiel qui à partir de 2001 a été son voisin. J’étais ‘mis à la retraite’ par notre Administration.

Mais de plus, Zagury a déployé une activité intense parallèlement comme Expert auprès des Tribunaux et acquis une autorité à dimension nationale, et un réel respect, par exemple dévoilant qu’il n’y avait pas plus de criminels chez les malades psychiques que dans la population globale, contrairement ce que certains (le Président Sarkozy, en 2008) voulaient démontrer pour renforcer l’enfermement.

Il a été apprécié par tous ses collaborateurs en confirmant son engagement dans le pratique de Secteur, jusqu’à sa retraite cette année 2019″.

910617 Sorin (Dr ?) 01-02

910620 Andre Roumieux 02A, 910625 Rousseau 02B

910625 Rousseau 02B, 910629 Pierre Dauvin 01

910629 « Cafeteria », Pierre Dauvin 01

910704 Jacques Lesage Delahaie 01, psychologue

« LESAGE DELAYE, psychologue original, assez haut en couleur, le vêtement original déjà, favorisait les rapports avec les patients se déroulant plutôt hors de la vie des services, autant dans la cafetaria à VE que dans le département, assez insaisissable, mais fort sympathique, jaloux de son indépendance … »

910705 Claude Postel 02B

910706 Bousquet 01

910711 Yves Gigou 01

« Yves GIGOU, infirmier, a été pendant une quinzaine d’années le Cadre Infirmier Supérieur de notre équipe, pendant la seconde période de notre équipe, soucieux du maintien de la solidité de la cohérence de l’ensemble des unités de soin entre elles. Gigou s’est toujours montré très engagé dans la Politique de secteur, et en particulier très attentif à tout ce qui permettait de favoriser la formation des infirmiers, donnée fondatrice de la Psychiatre de Secteur. Il s’appuyait sur la continuité d’un engagement dans les CEMEA, fondés par Les Le Guillant et Daumezon je crois (à vérifier auprès de lui et de Dimitri) avant la guerre. Cette association a joué un rôle considérable dans le renouvellement des pratiques en continuité étroite avec la Psychiatrie de Secteur, grâce à la multiplicité de ses stages et sa revue VST. Le dynamisme des premières équipes de secteur doit beaucoup aux CEMEA. Elle n’a malheureusement plus été subventionnée vers les années 70, et la formation des infirmiers devenue plus officielle s’est moins engagée dans l’éclairage humaniste des soins de secteur. Gigou est resté très attentif à la circulation des informations dans le milieu psychiatrique, et après sa retraite continue à être un lanceur d’alerte sur tout événement touchant la psychiatrie auprès d’un grand nombre d’acteurs anciens et actuels, grâce à internet et sa dextérité à l’utiliser. Toujours attentif à l’instauration d’une égalité dans les échanges entre infirmiers et psychiatres grâce à la multiplication des efforts de communication et de formation. Ceci permet de préciser que les CEMEA ont en particulier aidé toutes les équipes à créer et soutenir la dimension collective des soins psychiques, surtout autour de la notion « d’équipe », outil central du soin psychiatrique et tout ce qui nourrit celle-ci, réunions, écrits, récits, visites d’autres équipes, échanges de tous ordre ».

910712 Chambon 01, 910726 Claudie Cachard 01B, psychiatre, 911007 Gentis 01-B

910712 Chambon 01, 910726 Claudie Cachard 01B

910712 Chambon 01, 910726 Claudie Cachard 01B cut fin

910717 Michèle Merlin 01B

« Michèle MERLIN, psychologue dans le Secteur 14 assez tôt dans notre histoire (je ne sais si c’est la Merlin du rush ?), elle, par contre très engagée dans la pratique collective des soins. très impliquée dans la psychiatrie de secteur, passionnée, une générosité à toute épreuve, très fidèle, très appréciée des patients comme des autres soignants. Quelqu’un sur lequel on pouvait compter. Ce dont nous ne nous sommes pas privés ».

910718 Lanquetin

910722 Roger Teboul, psychiatre

910724 Fremont 01

910726 Claudie Cachard 01B

« Claudie CACHARD, psychiatre psychanalyste, que j’avais recrutée comme psychiatre vacataire, non au dispensaire (CMP), mais dans le service hospitalier, pensant que sa compétence de psychanalyste jouerait un rôle déterminant et starter dans le service.

Claudie a choisi d’être présente ‘à sa façon’. Par exemple lancer des groupes de thérapie par le « packing », ces enveloppements humides proposés à certains grands patients autistes. Ce traitement (que j’avais connu moi-même comme interne du XIII à Soisy dès 1966) fut des années plus tard, en France la cible de quelques familles très hostiles à la psychiatrie et surtout la psychanalyse et le présentant comme un instrument de torture !!!. Il constituait en même temps un travail en profondeur dans l’équipe, ce que recherchait Claudie Cachard. Merlin l’avait suivie et soutenue activement. Mais beaucoup dans l’équipe restaient incrédules malgré les bénéfices de certains patients.

Ces familles aujourd’hui, nous les inviterions à voir le film « renversant » HORS NORMES et le documentaire UN POUR UN (octobre 21019) qui met en évidence la gravité du trouble et la nécessaire « invention » à laquelle ceux qui les approchent pour les aider à sortir de leur forteresse muette doivent avoir recours.

(C’est parce qu’il soulignait l’importance de cette pratique que le professeur à Lille, Pierre Delion, dauphin de la psychothérapie Institutionnelle, élève de Tosquelles et Oury, s’est fait trainer devant les tribunaux plus tard par ces familles qui avaient conquis des Administrateurs au Ministère, jusqu’à très récemment) ».

910726 Gabriel Robbe 01, psychiatre, chef de service

« Gabriel ROBBE, psychiatre de secteur de ma génération, très engagé avec notre jeune groupe de 70-75, mais qui a quitté assez vite VE pour continuer sa carrière au service fermé de Villejuif. Sympathique, caractère ‘entier’, stimulant, mais peu engagé dans la mise en place de la sectorisation ».

910731 Sailly, patient, connaissance et présenté par Lucien Bonnafé

910800 « Dédé » (André Dubreuque ou Dubrocq), Bregail, Madonna & Gilles (tournage 1 – aout 1991)

910800 Jérome Courseaux – 920200 « Dédé«  (tournage 2) et suite tournage 1

910000 « Cafeteria » de Pierre Dauvin – date imprécise. Nous avons longuement pu rencontrer des patients, plusieurs fois, dans cette « cafétéria ».

Baillon : « Dauvin, infirmier, peu connu, il cherchait mais de façon plutôt marginale à s’insérer dans les soins ».

910812 Rodier

910924 Bsoura 01

911007 Gentis 01

911021 Benvenuti et Henri Ruols

911110 Danielle Sivadon, psychiatre, fille de Paul Sivadon (CTRS)

Baillon : « Danièle SIVADON, psychiatre, fille de Paul Sivadon, élevée par des patientes de VE entre 1950 et 1959, alors que ses parents submergés de travail avaient peu de temps pour elle. Elle le raconte dans un article paru dans un des derniers N° de la revue ‘Chimères’ qu’elle avait fondée avec Pollack son mari à partir de leur activité suivante. Elle devint très vite une fine clinicienne. Une grande qualité relationnelle, discrète en même temps. Je l’avais rencontrée lors de mon internat et c’est elle qui m’avait vivement conseillé de demander un poste chez H Chaigneau. Critiquant fortement les investissements de son père, elle préférait le courant de la Psychothérapie Institutionnelle dans lequel H Chaigneau militait aussi. Devenue psychiatre des Hôpitaux elle a choisi de partir à la Clinique de Laborde et a joué aux côtés d’Oury un rôle discret mais solide dans ce courant, avant de se lancer dans un accompagnement associatif du suivi des patients en ville à Paris, relaté dans sa revue ».

911118 Dessaigne 01

« DESSAIGNE, Infirmier Général, venait d’arriver à VE à l’époque du tournage, il était avant à Villejuif, donc ‘un étranger’, personnage supérieur, le plus haut dans la hiérarchie infirmière. Il représentait pour nous l’exemple de l’erreur dans laquelle s’engageait l’Administration à vouloir ‘hiérarchiser’ à outrance les infirmiers, tout en les mettant à l’abri de l’autorité médicale. Alors qu’en réalité la base du soin quotidien des soignants auprès de leurs patients c’est de se montrer entre eux sur un pied d’égalité pour être chacun amené à travailler ‘en toute liberté’ afin de donner le meilleur d’eux-mêmes, jusque dans des situations extrêmes (voir encore ‘Hors Normes’ !). Pour nous, ce ‘général’ ! était le type de l’OVNI hostile. Il était tellement étranger tant à l’histoire de Ville-Evrard, qu’à la dynamique de la Psychiatrie de Secteur que nous étions toujours mal à l’aise en sa présence. Le rencontrer demandait beaucoup d’efforts, pensant qu’il ne comprendrait que ce qui correspondrait à ses idées ! (alors que ceux qui l’ont connu de près connaissaient sa modestie d’origine et son intérêt réel …) »

911118 Maheas 01

« MAHEAS, Maire de Neuilly-sur-Marne, donc de la commune abritant les deux hôpitaux psychiatriques, face à face, de chaque côté de la Nationale, Ville-Evrard premier construit 1866, consacré aux hommes, et Maison-Blanche un peu plus tard consacré aux femmes. J’ai rencontré Mahéas quand j’ai été Président de la CME de VE, 1990. Bien que socialiste il n’a pas montré un grand enthousiasme pour la psychiatrie, qui lui paraissait plutôt source de difficultés pour certains riverains de l’hôpital, ce qui était équilibré par le fait qu’un bon nombre d’infirmiers et d’infirmières habitaient Neuilly. Par contre il s’est montré très attentif aux éventuelles disponibilités de terrain si l’un ou l’autre de ces hôpitaux avaient à les vendre, très prêt à y faire développer de grandes surfaces commerciales … »

911120 Lamoureux 01

« LAMOUREUX, (donc une autre personne) celui que je connaissais n’était pas infirmier, mais économe. Donc le second personnage le plus important de l’hôpital après la Directeur ! Un homme que l’on craignait beaucoup. Nous le sentions tout à fait étranger au monde des soins. Ayant tenté de lui expliquer notre travail, nous percevions que cela ne le préoccupait pas, … Alors, c’était à celui qui trouverait une façon de le séduire ? Difficile à contourner en même temps à la moindre incidence financière de nos efforts, …

Si nous avions été sportifs, amateurs de bons vins, peut-être ? Mais seul le commerce semblait lui plaire, et la droite politique …alors ? »

911121 Charmasson 01A, psychiatre

911121 Charmasson 01B

911125 Digo 01A, psychiatre, de mémoire chef du « Service Spécial »des Alcooliques du Departement de la Seine

910322 Rouyet, 911125 Digo 01B

Baillon : Anecdote autour de Digo et le secteur en 1970  « Il était une fois un psychiatre des Hôpitaux psychiatriques, ancien officier de l’armée de l’air, à Ville-Evrard. Le docteur DIGO

Cet événement a ses origines pendant la guerre, son départ sous les drapeaux, puis la démobilisation. Pendant que quelques collègues réfléchissaient sur la situation catastrophique de la psychiatrie. Digo est nommé Chef de service d’un nouveau service créé vers 1960 … mais cet événement ne se concrétisera qu’après 1969.

Le SPH tentait depuis des années d’obtenir du Ministère de la Santé un début de mise en acte de la Politique de Secteur, annoncée par les circulaires de mai 1960, mais restée dans l’oubli, et non suivie d’application, alors que la misère des Hôpitaux s’aggravait, et ils paraissaient aux yeux des jeunes psychiatres comme des forteresses inamovibles, qui ne pourraient jamais changer, avec un Directeur sans aucun pouvoir ni moyen.

Ces psychiatres syndiqués, excédés envisagent de faire un coup d’éclat médiatique à la fin de l’année. Et le 27 Octobre 1969, une centaine de psychiatres de divers Hôpitaux (c’était beaucoup sur 6 à 700) décident de défiler sur les Champs-Elysées et de faire le siège du Bureau de la Psychiatrie du Ministère de la Santé qui se trouvait à l’époque, rue de Tilsitt, près de la Place de l’Etoile.

Ci-dessous une photo de ces psychiatres transformés en hommes sandwich affichant ainsi aux passants leurs revendications, dans le froid, pour arriver devant le Ministère.

Et pour une fois, la Presse s’empare de l’évènement, du coup l’Administration se mobilise et décide de convoquer notre Syndicat pour préparer de nouvelles circulaires d’application de cette politique. Enfin.

Je venais de réussir le concours du Médicat, et d’être nommé psychiatre à Ville-Evrard la même année, ayant choisi le service d’Hélène Chaigneau elle-même membre du bureau de notre syndicat, donc engagée, Dimitri Karavokyros était son premier assistant depuis un an déjà, je deviens le second, et j’en étais très fier.

Vers la fin de l’année suivante, en octobre 1970, depuis Ville-Evrard, nous apprenons que le Ministère est en train d’accoucher d’une circulaire qui serait déterminante pour l’évolution du secteur. Elle prévoyait la création de 835 secteurs de psychiatrie couvrant la France entière, un nombre précis par Département, chacun avec 60 à 70.000 habitants.

Dimitri et moi étions ravis, et commençons à nous interroger sur le découpage de ces secteurs dans le 93, en espérant qu’il respecterait une répartition qui existait déjà entre les services hospitaliers et l’installation des dispensaires de consultation dans les communes. Ainsi avec Chaigneau, tous les trois nous intervenions dans des dispensaires précis, pour Chaigneau ceux du 19 ardt de Paris, pour Dimitri Les Lilas, Bagnolet, pour ma part Noisy le sec, Romainville, Bondy, …

En salle de garde de VE, un jour à la fin du repas, nous nous mettons tous deux concrètement au travail, et sur la nappe (en tissu) nous nous mettons à dessiner le Département du 93 d’un peu plus d’un million d’H., ses communes et le découpons en 14 secteurs approchant chacun au mieux le chiffre de 70.000 H. C’était un calcul précis.

Convaincus de l’intérêt de cet essai, nous découpons avec des ciseaux cette fois, ce morceau de nappe, pour le soumettre à la discussion des psychiatres des 5 services de VE, d’abord aux 7 à 8 jeunes de notre génération, pour préparer les 5 chefs de Service qui vivaient un peu cela comme une dégradation de leur pouvoir.

Nous dépensons, peaufinant le projet au cours de réunions syndicales, façon de mobiliser tout le monde. En fait un bon nombre de psychiatres ne s’étaient pas encore penchés sur le projet du secteur, mais sachant qu’ils allaient tous être nommés dans un secteur au cours de l’année 1971, ils prennent les uns après les autres le train en marche. Nous étions déjà heureux de cette perspective.

Mais en novembre 70 nous apprenons avec stupeur par un collègue qui était inspecteur à la DASS (le Département), que le DASS s’est mis à étudier le sort du 93, mais n’a décidé la création que de 7 secteurs en 1971, renvoyant à plus tard les autre créations, ceci par souci d’économie, refusant tout recrutement de personnel nouveau !

Catastrophe ! Nous comprenons que cette lenteur allait tuer les fragiles mobilisations des psychiatres, et les désintéresser de sa réalisation concrète, se satisfaisant d’un travail asilaire limité à l’hôpital. La sectorisation était mort-née !

Nous nous révoltons et décidons de prendre le taureau par les cornes, ayant compris que la décision du DASS était inébranlable, quelques tentatives d’approche ne réussissant ni à l’intimider, ni à le convaincre de la nécessité de mettre tout en place en même temps.

Nous avions compris que le seul contre-pouvoir du DASS dépendant du Ministère, était les hommes politiques élus : les membres du Conseil Général, à grande majorité communiste donc animée d’une forte solidarité interne.

Mais ils étaient difficiles à approcher, nous avons vite compris que la psychiatrie était le dernier de leur souci et qu’ils étaient surtout préoccupés par la faiblesse des ressources financières de ce tout jeune Département du 93, créé seulement en 1968 (par la division de l’ancienne Seine en 3 départements) …

Nous nous mettons à rêver à ce qui pourrait les mobiliser ?

Et nous cherchons un projet fou qui les surprenne vivement : nous avions appris que des membres de ce nouveau Conseil et son premier Président, Georges Valbon, allaient venir partager les vœux du nouvel An, début 1970, honorant l’autre naissance, celle du nouveau Conseil d’Administration de VE. Celui-ci venait d’être créé pour veiller enfin activement sur l’évolution de ce Ville-Evrard endormi depuis un siècle, et entourant son Directeur jusque-là sans pouvoir. Son Président serait un vice-Président du Conseil Général.

La venue à VE des Conseillers était donc obligatoire pour inaugurer cette mutation profonde. Nous apprenons aussi qu’à cette occasion le DASS leur avait demandé d’annoncer la création de 7 secteurs (remplaçant les 5 services), mesure qui devait inaugurer la Politique de Secteur si attendue par les psychiatres. Il avait persuadé le Président que ces créations inaugurant la sectorisation dans le 93 nous comblerait, et laissait aux Conseillers le plaisir de nous l’annoncer, car ce serait un grand bouleversement de l’ancien Asile. Ce rôle de partage de bonnes nouvelles devrait consolider leur notoriété comme étant de nouveaux élus ‘avertis’.

Dimitri et moi avons aussitôt réuni nos anciens, les 5 chefs de services, et les 9 psychiatres assistants, nos collègues de même génération, pour leur faire part du danger de la décision officielle, et notre proposition d’un plan qui devrait être comme un coup de tonnerre éclatant dans un ciel serein !

Nous leur proposons de résumer aux Conseillers, heureux de leurs nouvelles fonctions, notre refus de la proposition du DASS de créer 7 postes à VE (et 2 au nord à l’hôpital général d’Aulnay), tout en affirmant que nous ne pourrions pas travailler si les 14 postes espérés (dont 2 à VE) pour le 93 n’étaient pas créés simultanément.

L’un d’entre nous lirait après avoir demandé la parole à l’ouverture des vœux, avant toute autre intervention, ce court texte (la correction eut été que le Président commence !) et sans accepter de débat, nous sortirions aussitôt avec panache ? et … insolence !

Il fallait dons être très décidés, et savoir comment procéder.

C’est là que l’idée est née : nous savions que Digo était ancien officier de l’air, de plus l’un d’entre nous l’avait vu en costume d’apparat, tout en blanc, et sa belle casquette blanche ! Beau et Intimidant ! Nous avons décidé que ce serait lui qui parlerait. Il entrerait le premier, sa casquette blanche sous le bras, suivi des 13 autres psychiatres. Prendrait la parole, lirait son texte. Et affirmerait à la fin que, comme nous savions que le Président allait faire une proposition très négative et non réaliste sur l’avenir de la psychiatrie du 93, nous décidions de ‘refuser’ de participer à cette séance solennelle des vœux. Et nous sortirions aussitôt !!!

Je ne comprends toujours pas aujourd’hui comment la majorité des collègues a accepté, et surtout comment Digo a accepté, et joué le jeu ‘à la perfection’, sans bavure. Il devait être fier, même si la psychiatrie de secteur n’avait jusqu’alors entrainé aucun engagement de sa part. Nous nous sommes entrainés une fois peut-être et n’avons fait part de notre projet à personne.

Et le jour des vœux vers le 8 janvier 1970 vers 12h, nous étions à la porte de la salle des fêtes où les vœux devaient se dérouler. La porte s’ouvre : Digo, tout en blanc, la casquette d’officier sous le bras, et nous 13 le suivant aussitôt en file indienne.

Nous voyons une brochette de personnes debout dans la salle de réception du’ Château’, seul lieu solennel de VE, très bien décorée à l’ancienne par les jardiniers de VE.

Au centre le nouveau Président du Consil, Valbon, homme de grande stature, souriant, sûr d’apporter la bonne parole, et autour de lui les membres de la Commission sociale du Conseil, un peu sur leurs gardes, c’était la première fois qu’ils mettaient les pieds dans cet espace sur lequel couraient tant de rumeurs inquiétantes sur les fous et les traitements, mais certains que ler Président apportait la parole leur donner une allure de ‘sauveur’. Autour d’eux les représentants du personnel de VE fort intimidés et inquiets, dont Fanon notre Directeur, ému.

Une grande table avec ce qui allait permettre d’offrir un vin d’honneur.

Digo demande la parole au Président du Conseil Général, surpris, celui-ci la lui donne.

Digo lit tranquillement son petit texte, dit sa conclusion, plie son papier.

Salue le Président, et sort. Nous le suivons, en file indienne, sans nous presser, sans hésiter, sans un mot, en silence.

Sans attendre les vœux départementaux du nouveau Conseil Général ! …

Nous rentrons chacun chez nous assez anxieux. La suite et ses étapes nous ont fort surpris. D’abord, peu de jours après, notre Directeur, Fanon, homme charmant, mais très vieille France, et encore choqué de l’évènement, nous fait savoir que le DASS l’a convoqué pour lui transmettre le mécontentement général, outre le sien, ce dont nous nous doutions. Surtout il nous apprend que les membres du Conseil Général étaient tout à fait furieux d’avoir été aussi mal reçus à l’occasion de ce qui aurait dû être joyeux, l’affirmation de leur rôle d’élu à Ville-Evrard, tout ceci devant l’ensemble du personnel de VE pour la première fois invité aux Vœux ! Alors qu’ils s’attendaient à un excellent accueil de la part des Médecins.

Nous étions désarçonnés. Un mois se passe, et le silence total.

Enfin grande surprise, un jour le Directeur nous convoque pour nous apprendre que le DASS, obligé par le Conseil Général, a décidé de convoquer tous les Médecins à une réunion générale à VE avec les membres du Conseil Général et des représentants du personnel, pour argumenter pendant une journée fin février notre réaction de janvier et surtout entendre nos propositions, et profiter de cela pour visiter l’ensemble de Ville-Evrard (ce qui effrayait déjà, à juste titre notre Directeur, connaissant trop bien l’état misérable de beaucoup de pavillons !)

Nous étions stupéfaits. Mais aussitôt enthousiastes.

Que s’était-il passé ? Des fuites nous ont permis de comprendre qu’il y avait depuis le début de ce Conseil Général, 1968, une guerre ouverte politique entre lui à écrasante majorité communiste, et le Préfet et son second le DASS, représentant l’Etat, fortement à droite. Nous avions donc sans le savoir un allié dans la place, notre Conseil Général, à nous de le garder !

Les Conseillers Généraux étaient ravis de ce nouveau conflit avec le DASS et l’Etat pour un dossier que l’Etat avait seul géré jusque-là : la psychiatrie de service public.

Nous avons compris notre chance et nous nous sommes mis solidement au travail, Dimitri et moi en première ligne, avec l’idée de réaliser une exposition de tableaux et de graphiques que nous présenterions sur les murs du pavillon 5 du CTRS, vide, il venait d’être rénové et serait inauguré à ce moment. Ces tableaux expliqueraient les buts de la sectorisation, la pauvreté en moyens de soin du 93, la misère de l’hôpital comme seul lieu de soin, la nécessité de lutter contre l’enfermement et d’initier des soins dans les communes, l’opportunité inespérée de la nouvelle circulaire en préparation au Ministère, et, face au mauvais plan de la DASS qui abandonnait la moitié des communes l’intérêt du nôtre couvrant tout le département, la possibilité de ne faire aucune dépense supplémentaire face au plan officiel en divisant les 5 services pour en répartir les pavillons entre les 12 nouveaux secteurs créés, mais prenant seulement de l’avance. Le tout donc sans recrutement supplémentaire de personnel.

Nous travaillons dur et sommes juste prêts pour ce court séminaire à nos politiques, un matin de février dès 9h30. Nous guidons la longue délégation dans la visite sur deux étages, … Les Conseillers se montraient fort intéressés. Mais cette ambiance ne nous a pas évités un dérapage qui a failli être dramatique et dont je fus le seul auteur : A mon tour je présentais une partie des tableaux quand, un peu fatigué, je laisse échapper devant le DASS et quelques Conseillers le commentaire suivant devant le titre du dernier tableau montrant le rôle de la DASS sur la psychiatrie. Il y avait écrit simplement le sigle suivant, et je prononce « Et enfin le DASS, S – S ! » sans percevoir la violence de cette assonance S-S, à la fin, détachée !!!!

Vite mes collègues présents me voient désemparé, les spectateurs saisis, surtout le DASS, personnage raide et longiligne, vert !

Ils me prennent sous le bras et m’écartent vite en me disant fort fatigué. Me « baillonant » une bonne fois. … !

L’incident grâce à eux dont Dimitri vite minimisé et écarté… il faut peu de choses …, nous étions sur la corde raide depuis le début de la matinée !

Il est vrai que je vivais ce personnage du DASS de façon hostile, fidèle serviteur de l’Etat, et rigide à souhait, comme un représentant autoritaire, voire ‘totalitaire’ ! mais tout de même ! AH Freud et son refoulement veillait trop sur moi à l’époque ! …

Je n’ai pas assisté au débat qui devait suivre pour échanger autour de ce qu’expliquaient et proposaient ces tableaux. Ni suivre la visite fort instructive des pavillons. A mon grand regret ! Mais la journée a pu se terminer selon nos plans.

Et surtout la visite des pavillons de VE l’après-midi a été pour tous ces ‘étrangers à la psychiatrie’ un choc très important, et salutaire ! Puis silence total de plusieurs semaines.

Nous en profitons pour faire de nombreuses réunions d’information dans VE avec les infirmiers, au départ, souvent très hostiles à la division des anciens Services. Cette information était essentielle pour la suite, et avait valeur pédagogique.

Enfin, peu avant les grandes vacances, Fanon nous apprend que le Conseil Général en Assemblée a demandé au DASS d’appliquer totalement la proposition faite par les psychiatres de Ville-Evrard ! !!!

De fait notre Directeur transmet en octobre à chacun des 12 psychiatres de VE sa nomination comme « médecin chef d’un secteur précis » et ses communes précises, tout en lui affectant 2 à 3 pavillons de VE et son personnel. Quel soulagement !

Le 10 Novembre1971 chacun de nous prend son poste, et à notre grand étonnement dans le calme !

Il nous fallait, dés lors, construire chacun notre équipe, et commencer à élaborer ‘sur le tas’ un nouveau fonctionnement des soins psychiques à inventer, en commençant à investir l’espace de nos 2 ou 3 communes respectives et leurs habitants. Ce bouleversement fut tel qu’aucune réaction négative n’a surgi dans l’ensemble du personnel infirmier. Ce fut rude malgré tout.

Cette anecdote explique que le 93 a été un des premiers départements de France à se lancer dans la sectorisation pendant plusieurs années, alors que nous avions un Département peuplé mais pauvre. Dans le reste de la France le plus souvent la création des secteurs a duré 5, voire 15 ans ! Une des raisons des inégalités ainsi installées qui allaient croître ensuite. En raison du décalage entre Etat et Départements, et des différences de maturité des psychiatres accompagnant chaque évolution.

Entre temps cet événement a fortement stimulé le reste de notre syndicat et inspiré nombre de collègues. Une anecdote certes, mais qui illustre assez bien comment de multiples évènements datés et locaux, paraissant insignifiants, voire grotesques, sont nécessaires pour que s’opère un mouvement profond et progressif de l’opinion publique en matière de folie et de psychiatrie.

Leur intérêt est dans leur implication étroite avec l’actualité de la Société concernée.

911127 Roser Ceinos 01, psychiatre sur un des Secteurs de Seine Saint Denis

911127 Iglesias 01, chef électricien des services de l’hôpital

« Électricien, et syndicaliste énergique, haut en couleur, peu connu de moi »

911129 Fuzier 01AB

« Claude FUZIER, le seul que je connaisse n’était pas infirmier mais Maire de la commune de Bondy dès 1974, je crois. J’avais déjà été voir son prédécesseur (Coutrot me semble t il) afin de nouer des liens avec l’élu social essentiel de notre secteur 14, ce que j’avais compris comme étant la pierre angulaire du travail de secteur, la présence et le partage avec la Cité. Très intimidé par cette Mairie toute récente aux allures antiques avec son architecture imposante en béton. Le Maire, petit dans son énorme bureau, moi, intimidé, tentant de lui démontrer la dynamique sectorielle et notre recherche d’espaces …, et mon obligation de tenter d’expliquer ‘la psychiatrie’ en quelques mots …

Il m’a écouté avec attention, puis reconduit gentiment à la porte et là m’a demandé de résumer mon entretien en un court papier de 2 pages ! J’ai dû m’atteler à mon premier rapport prévisionnel de secteur, … 20 pages ! En réalité j’ai commencé là à apprendre ce volet de mon métier auquel je ne m’étais pas préparé mais qui m’a été fort utile ensuite devant les diverses instances, avec le même souci. Savoir parler de la psychiatrie à nos « élus » !

Grâce à ce document que je lui présentais d’emblée à l’occasion de la nouvelle année nous avons fait peu à peu connaissance. Il est parti à la retraite, son adjoint lui a succédé, Claude Fuzier, ayant lu mes rapports, le ‘futur’ Maire qui était en période électorale cette année-là, me promet que s’il est élu il me proposera (vers 1976) le Presbytère, comme ce lieu de soin tant attendu dans la ville. Ces visites furent un long parcours (1972-2000) de plus en plus amical au long de ces années jusqu’à sa retraite peu avant sa mort d’un cancer qui le rongeait depuis plusieurs années. Il avait pris le temps de me présenter soigneusement à son successeur Gilbert Roger. Il est clair que sans leurs appuis le secteur 14 n’aurait pas trouvé à Bondy la multiplicité des lieux de soins que nous avons pu investir, jusqu’à nous proposer en 1991 une superficie qui pourrait accueillir notre dernier, projet la construction d’une « Clinique » publique, ce lieu qui devait être le seul lieu d’hospitalisation du secteur avec 20 lits, ceci simultanément avec la fermeture de notre dernier pavillon hospitalier de VE. Je lui avais expliqué que nous quitterions définitivement l’ancien asile ! Il suffisait que notre Directeur prenne l’affaire en mains ! … ?

Ainsi ce projet décidé en 1992 allait être réalisé en 2000, mais à partir de là grâce à l’engagement concret de notre Directeur arrivé en 1998 Marchandet et leurs rencontres, élu et directeur.

Cependant ici en 1992 un ‘détail’ mérite le détour : lorsque j’ai annoncé cette possibilité d’acquisition d’un espace à Bondy par notre Hôpital, le Directeur a été très clair : ce projet était intéressant, mais ne pourrait être réalisé pour le seul Secteur 14 qui, en raison de nos premiers projets réalisés, était déjà en avance sur les autres équipes. Ce dernier et grand projet devrait d’une part être partagé avec une ou deux autres équipes, et d’autre part devrait être contemporain d’autres projets de lits d’hospitalisation en ville pour plusieurs des autres Secteurs qui avaient des besoins équivalents pour que la Politique de Secteur se réalise !

Ainsi c’est notre Directeur qui a fait preuve d’intelligence et de soutien à la Politique de Secteur, montrant à nouveau l’importance du rôle joué par l’Administration pour notre évolution.

De ce fait j’ai proposé à mon collègue géographiquement le plus proche, (qui se trouvait être un ancien élève d’Hélène Chaigneau, et remarquable écrivain de la psychiatrie, Jacques Chazot, médecin-chef du secteur 11, c’est son successeur Daniel Zagury qui a inauguré avec nous la Clinique de Bondy en 2000, chaque équipe avait 20 lits, ceci en fermant simultanément nos pavillons à VE). Chazot a aussitôt accepté.

Simultanément avec nos amis à la CME de VE, et son président Didier Destal, nous avons peu à peu réussi à mobiliser plusieurs de nos collègues chefs de Secteur, pour que dans la perspective de 2000 la moitié des équipes de Secteur quittent totalement VE.

Le Directeur a été fidèle à son engagement et a entamé les négociations avec le nouveau Maire de Bondy, Gilbert Roger.

Une longue histoire sur 30 ans, … dont Maires et Directeurs furent les appuis essentiels, … soutenus aussi par la autorités Départementales, en particulier le Président du CA de VE dans les années 1990, aussi vice-Président du Conseil Général du 93, Claude Bartolone, qui sera à son tour Président du Conseil Général, puis … troisième personnage de la République, Président de l’Assemblée Nationale (avouons quand même qu’il n’a pas là continué à montrer son intérêt à cet infime détail qu’est la Psychiatrie dans un pays, surtout en raison de l’aura qu’a celle-ci dans le public ‘normal’ !), Maires et Conseillers de ce 93 tous socialistes, et leurs divers courants ».

911205 Mr & Me Grenier et Pierre Dauvin 01A

920000 Tournage avec Jean Mercurin, patient

Un des patients « chroniques » vivant à Ville Evrard sur au moins 30 ans, nous avions déjà croisé Jean aux « épluches » de la grande cuisine (tournage pré prépa en video) en 1988. Jean apparaît dans le film

920115 Jeanine et Bernard – « Presbytère » – à Bondy, patients qui apparaissent dans le film, Secteur 14

920200 Delamarre, pendant tournage, patient, intérieur Ville Evrard

920200 « Dédé », André Dubrocq pendant tournage, patient, intérieur Ville Evrard

920307 Bizot 01

rencontres après tournages :

920319 Apoix 01, psychiatre

920511 Soulas, patient atteint d’un sida. Rencontré grâce à Roser Ceinos, Mr Soulas a inspiré rapidement la mise en place du film « Sida, Paroles de l’Un à l’Autre »

930804 Annie Vacelet, psychologue, Bondy, 14e secteur

Cet entretien de 1993 après le montage de 1992, clôt notre démarche.

Guy Baillon : « Annie VACELET, psychologue, entrée dans le Secteur 14 après Merlin, formée à Laborde, elle s’est dépensée avec générosité pour dynamiser l’équipe infirmière et l’aider à sortir de ses routines. Très indépendante. Capable de réaliser diverses activités et y intéresser les patients ».

Ces différents documents audio/vidéos préparatoires permettent de « ressaisir » ce parcours dans différents services d’un des plus grands (à l’époque le second en France) hôpitaux de ce type, en intra et extrahospitalier, avec l’essai de faire revivre la période asilaire jusqu’au lent développement d’une psychiatrie plus proche des gens, plus « humaine » caractérisée par la Sectorisation qui prend forme lentement dans les années 1970.

Certains de ces témoins sont des contemporains du début du 20-ème siècle et ont été parfois les témoins de la vie de parents installés dans l’asile à la fin du 19-ème. Ils se succèdent à tous âges jusqu’au présent, les témoignages ayant donc été rassemblés entre 1989 et 1994.

À partir de situations précises, personnelles, de « la maladie psychique, humaine », celle des comportements mais aussi celle de l’équilibre difficile des mœurs, des usages, des regards personnels, de la personnalité qui fonde et fait exister chacun, celle des relations apparemment harmonieuses ou bien contestables et controversées entre les uns et les autres, nous avons fait l’essai de comprendre à quel point la possibilité de parler était complexe, difficile, voir impossible pour un certain nombre de personnes, pour peu que certaines d’entre elles se trouvent dans des situations psychiques précaires, ou limites, des situations où leur entendement frôle l’impossibilité de correspondre aux institutions, à la famille, au monde apparemment « cohérent » qui les entoure.

L’expérience du montage du film, la relecture des 3500 pages retranscrites des entretiens de base de départ pour un livre, la confrontation avec différents acteurs de la santé, pourront donner une impulsion inattendue au projet de cet ouvrage.

En effet ce ne sont plus seulement les aspects liés à l’enfermement, au micro monde-modèle asilaire unique qui évolue très lentement jusqu’au cadre de prise en charge psychiatrique, à une histoire associée seulement à un lieu de soins en santé mentale, que nous nous retrouvons au fil des récits, mais face à un champ beaucoup plus vaste qui s’apparente plus à l’histoire humaine inscrite dans notre époque.

Ce dépassement de l’aspect « maladies mentales » en chroniques de la relation humaine est dû en fait à deux points : le fait que nous insistions sur des histoires personnelles, des destinées humaines plutôt que sur un historique local ou médical ; le fait que la folie des uns souligne celle des autres, du moins le dérangement des autres (ou, en termes plus diplomatiques : le fait que le comportement des uns est lié à celui des autres). Donc aussi ce fait que, dans certaines situations, un certain nombre qui s’estime « dérangé » par des comportements ne (leur) convenant pas, souhaite de manière collective ou individuelle, consciente et inconsciente, de mettre à l’écart les dits concernés.

Cet aspect nous fait rapidement et volontairement « sortir » d’une question qui serait en fait minimisée, contenue, dans un travail mettant seulement en avant l’aspect institutionnel, scientifique, historique ou médical, et dont par ailleurs nous ne sommes pas les spécialistes. En effet, la « folie » serait révélatrice d’un dérangement, d’un état de trouble des uns, souligné par une réaction plus ou moins appropriée des autres, donc de leur capacité à s’accommoder et à supporter ce dérangement.

C’est pourquoi on retrouve dans ces documents à l’instar de nos rencontres une somme de micro-histoires personnelles qui s’apparentent à divers registres, politique, géographie politique, géographie humaine, histoire générale (les guerres et les mouvements de société sont particulièrement sensibles à l’intérieur d’un asile / hôpital psychiatrique). Se succèdent en filigrane une histoire institutionnelle, une histoire des systèmes, de la mise en place de contrôles, une histoire du travail (comme, par exemple, l’évolution de la banlieue parisienne à travers les petits emplois, mais aussi cela se retrouve visible au niveau national), en résonance avec l’Histoire, la crise économique des années 20 et 30, etc etc… Des dates clé comme celles de 1936, les patients laissés affamés jusqu’à mourir pendant la seconde guerre mondiale, l’après-guerre et les mouvements de résistance médicale, ou le remue-ménage dans les esprits après 1968 qui marque et permet d’opérer d’importantes mutations dans les milieux soignants, l’éclatement futur des services à l’extérieur de l’hôpital, le début de la Sectorisation. L’ambivalence permanente des tenants de la psychiatrie humaine et de celle des médicaments, leurs liens nécessaires et leurs contradictions.

Dans ces documents nous sommes témoins aussi d’une part de la vision des patients sur le plan du quotidien, de leur propre ressenti du système, le regard des autres à l’intérieur et à l’extérieur de l’hôpital, cet ensemble perceptible apportant une touche complémentaire essentielle aux avis portés par ceux qui gèrent et dirigent, ou sont les fonctionnaires plus ou moins consciencieux présents dans les différents services que nous rencontrons.

Souvent les patients auront une perception pointue, critique, sur un état de la société et des relations humaines. Avec eux, l’humour et une poésie vive, naturelle, jouxtent et jouent de la faille, de la détresse et du vide, de l’incompréhension sans aucun retour et de la terreur. De tous les patients avec qui nous avons eu des entretiens sur le temps de rencontre et de filmage, plusieurs sont morts d’accidents ou de suicide les trois ans qui suivront la fin de notre travail.

À noter aussi, qu’aucun patient n’avait pu survivre du temps de la dernière guerre mondiale à l’inverse des médecins, infirmiers, etc. Ces éléments donnant incidemment au livre une richesse enjouée, ludique, nécessaire, qui nous sort d’une histoire parfois trop lourde, répétitive, sinon écrasante, laissant la perspective d’échapper, de rêver, d’imaginaire et de sensibilité, à l’image du sens d’une survie possible à un monde devenu ou ressenti à l’état d’infernal.

Ces derniers traits renforcent une vision de la « maladie humaine de la relation fondamentale » et se retrouvent proches, d’une certaine façon bien sûr, des pathologies modernes contemporaines, stress, dépression, paranoïa dont il n’est pas besoin de résumer un tableau ici tellement elles nous sont, de près ou de loin, suggestives et réelles, communes et présentes.

Des récits d’infirmiers, de médecins, de patients, du jardinier ou de l’électricien, du cuisinier comme de l’intendant, apportent des fragments de vie indescriptibles, signifiants, imprévisibles. Ils construisent et renforcent une histoire générale mais toujours construite de façon personnelle, accentuant une vérité prise à partir de l’intérieur des personnes.

De cette façon, le film / livre suit une très lente mais véritable évolution qui se dessine au cours des décennies du 20-ème siècle, sans cesse menacée ou compromise, discutée, vivant et respirant, sans cesse en vibration, en quelque sorte avec le temps même – le temps parallèle – de la vie sociale, des mentalités qui bougent, le temps cohérent et rationnel de l’extérieur.

À partir de ces récits, non seulement la barrière, les murs de l’hôpital, sont étanches, mais aussi on aura l’occasion d’appréhender la « limite du normal et du pathologique ».

Que cette limite, fine, extrêmement subjective et friable, mouvante, se mesure sans cesse à l’aune de la volonté et de la capacité d’écoute suivant qu’on affaire à l’un ou à l’autre, au registre de tolérance de celui ou celle qui va se garantir, la contester, ou bien la reconnaître, commencer à l’entendre, puis à l’écouter.

Les murs, l’enfermement, pour ne pas dire plus, les méthodes d’écoute et de soins, relevant d’une volonté scientifique, théorique, voir utopique. Que cette limite est mouvante et qu’elle nous renvoie à une certaine folie d’organisation institutionnalisée par les élites, l’ensemble d’une sorte de conscience collective.

Je me souviens de cette réflexion personnelle où, après plusieurs mois de travail sur ce projet, c’est à l’intérieur de l’enceinte de l’hôpital que la « normalité » trouvait son centre de gravité, alors que c’est face à l’organisation générale à l’extérieur de l’hôpital, dans la « société », que j’éprouvais de me trouver face à la « folie ».

Structure

La structure présentée suit notre propre avancée temporelle dans l’hôpital, c’est-à-dire notre désir de connaître alimenté au fil des rencontres par chaque nouvelle rencontre.

Cette avancée dans l’hôpital se fait le plus souvent en partant des témoignages des plus âgés[4], ceux susceptibles de disparaître et qui disparaissaient, pour recueillir le plus de témoignages d’une mémoire qui s’enfonçaient inexorablement dans l’oubli. Jusqu’aux services d’aujourd’hui, ceux qui emploient et reçoivent des gens jeunes, ceux installés dans des Hôpitaux de Jour ouverts depuis la fin des années 70, par ailleurs souvent ignorants de l’histoire des sources des lieux mêmes qu’ils fréquentent.

Sont précisés et à préciser – mais aujourd’hui, 2019, avec le temps, beaucoup d’aspects s’effacent – le choix de nos interventions, de notre parcours, le pourquoi de nos rencontres et de nos questions, mais aussi de nos jugements, ce qui nous a choqué ou intéressé, ce qui nous a plu, les différentes atmosphères, l’état de différents lieux, l’état des personnes à des moments précis. Des circonstances, les transformations dont nous pouvons témoigner nous-mêmes quand nous sommes revenus plusieurs fois sur plusieurs années dans certains des services.

Il ne s’agit pas d’une suite de morceaux choisis d’entretiens, mais bien d’un parcours décidé, commenté, décrit et ressenti, analysé.

Précisions sur les témoignages recueillis

Dans notre idée, il fallait d’abord faire l’essai d’entendre pour essayer de comprendre, bien avant toute situation de mise en place d’une technique d’enregistrement. Aussi nous sommes d’abord restés sur une durée de deux années à l’écoute d’environ cent trente personnes.

Notre démarche consistait à ne pas limiter le temps de la parole, et surtout de lui donner au maximum la possibilité d’aller au bout de son engagement sur le moment.

Souvent une rencontre en motivait une autre, ou bien la mémoire « travaillait » à la suite d’un entretien et re-générait d’autres souvenirs aux témoins. Les témoignages se sont enrichis de ce processus de travail qui ont permis au fil du temps et des rencontres d’autres découvertes et rencontres tout en se recentrant sur des axes précis.

Nos questions étaient simples, nous nous intéressions au départ à la restitution (atmosphère) de lieux, de situations.

Par exemple, comment se passait une journée à l’arrivée d’untel dans l’hôpital ?… une direction de questions partant de l’hôpital et des soins, se posant de plus en plus vers ce que nous ressentions comme l’essentiel, les questions de comportement, de relation d’homme à homme, des questions sur les liens.

Les choses se plaçaient naturellement, se contredisaient ou se complétaient, se confirmaient à la suite des rencontres et du temps des entretiens.

La généralité, le récit global, étaient constamment refoulés, re-précisés au profit du témoignage personnel vécu. Il s’agissait de proposer des entretiens vivants exprimant et retraçant l’expérience de la vie qui renvoie à la vie, qui aide à apprendre la vie. À savoir aussi pourquoi on réagit et comment on réagit face à telle ou telle situation.

Le nombre de personnes rencontrées a permis différents recoupements des témoignages et de leur valeur, particulièrement sur des questions délicates comme « l’extermination douce » des patients pendant la seconde guerre mondiale.

Ce type de questions très ponctuelles – comme les questions dans l’ordre des choix de comportement – recoupent des préoccupations qu’on retrouve dans d’autres lieux, pas seulement d’internement, et hors institutions, hors frontières.

C’est à ce titre que nous pensons que le livre n’est pas un ouvrage spécifique sur l’hôpital – ancien asile de Ville Evrard -, mais bien un livre ouvert sur ce type de situations, à partir de ces lieux de soins en « santé mentale » qu’on retrouve dans de nombreux pays, avec leurs contextes propres, leurs évolutions communes, leurs proximités. En effet il y a eu beaucoup d’échanges concernant les constatations et les expériences nouvelles qui se faisaient à partir de ces institutions.

Le fait d’engager un travail avec les témoignages de personnes impliquées nous semble pouvoir montrer qu’on peut s’exprimer sur des sujets complexes et difficiles de façon profonde et quotidienne, sans minimalisme : tout ce qui se vivait dans l’hôpital était quotidien, y compris les choses les plus complexes ou difficiles à comprendre, à admettre et supporter. Le regard plein ou absent des uns et des autres s’exprimait sans cesse. Le fait de ne pas vouloir voir, aussi. Et tout le monde le savait.

Dans ces prises de conscience, nous tendions à donner, en même temps qu’aux soignants et leurs aides ou administrateurs, la parole à ceux qui ne l’ont pas : les patients – et qui en souffrent à juste titre -.

Proposer une possibilité d’être écoutés sur un même registre (avec la finalité connue de tous : un livre et un film), cela a été l’objet constant de notre démarche. Avec un effort pour que le matériel livré, à voir ou à lire, à entendre, soit accessible et compréhensible par le plus grand nombre. Transmissible. Toutes les personnes filmées ont vu par ailleurs leurs rushs montés avant la finalisation du film.

Nous nous sommes intéressés autant aux services dits « lourds », qu’aux services d’alcooliques ou spécialisés, par exemple ceux qui sont nés dans un temps plus contemporain comme les services de pédo-psychiatrie.

Le champ a dépassé l’hôpital de Ville Evrard. Nous avons travaillé à Esquirol, Vaucluse, Villejuif[9], des liens même en Province, tous ces hôpitaux ayant des rapports serrés anciens tout autant que présents avec Paris et Ville Évrard. Souvent de nombreux soignants ou patients passent ou sont passés d’un service à l’autre.

Nous sommes allés à Sainte Anne, lieu central de tout temps, pour travailler sur des témoignages recoupant le rôle de l’Infirmerie Psychiatrique, du Dépôt de Police, du recentrement des individus dirigés de Paris dans les différents services de ces grands hôpitaux de la couronne parisienne (12 étaient prévus par Haussmann, 6 ont été construits, ceci dit, en constante extension de services et architectures). Et parfois ensuite envoyés (certains infirmiers disent « déportés ») en province pour différentes raisons, soit d’agacement des services suivant certaines pathologies (on met en quelque sorte à la porte celui qui est le plus insupportable, magnifique « cadeau » adressé à la province si j’ose dire, parfois au détriment de la famille de la personne), soit (ou complétant le 1er point) pour des raisons économiques : de quotas de remplissage de lits, autrement dit des questions budgétaires.

Avec pour tâche de fond le surpeuplement chronique des Hôpitaux de la Seine (à l’instar de la situation de l’incarcération aujourd’hui, nous en avons de nombreux exemples, comme pendant le temps de la guerre d’Algérie), la réalité dépassant ici projets et projections (on peut noter les différentes strates de constructions qui agrandissent le nombre de lits dans l’hôpital pratiquement tous les 10 ans ; par ailleurs l’hôpital dit de « Maison Blanche » qui appartient actuellement aux Secteurs de Paris, a été construit en face et sur les terres de Ville Evrard pour créer des lits).

Pour revenir au fond de la question, le fait de traverser plusieurs décennies afin de ressentir ce qui pouvait lentement ressembler à une évolution – mais parfois cela pouvait prendre l’apparence de révolution ou de retournement total alors que la situation peut paraître à l’extérieur infime ou dérisoire -, a permis de donner un aperçu des difficultés liées aux peurs, aux réticences, sinon aux fantasmes issus de la grande différence que les uns éprouvent face aux autres.

Nous étions donc placés au cœur d’un immense processus de soins portant en lui-même sa propre folie, miroir permanent de la folie externe, du fonctionnement parallèle de la société. Du livre se dégage ce sentiment.

À ce qui apparaît pour un grand nombre d’individus représenter un monde vague, délirant, furieux, sinon difficilement compréhensible, voire incompréhensible, la Folie pourrait alors apparaître en fait comme le constat d’une image nourrie de notre propre ignorance, de notre difficulté fondamentale, interne à chacun, de vivre ensemble. Renvoi difficile à saisir sinon accepter.

Bertrand de Solliers

Notes / autres

Les enregistrements initiaux de préparation représentent environ 250 heures.

L’un des essais les plus intéressant reste le livre du sociologue américain Irving Goffman « Asiles » ou bien, en France, le premier livre écrit par un infirmier sur le vécu de son travail : Alfred >Roumieux, ces livres étant circonstanciés à une période précise. Dans le cinéma documentaire « Titicut Follies » tourné dans les années 50 par Wiseman et « San Clemente » de Raymond Depardon, sont des films témoins singuliers et forts des moments que ces cinéastes ont traversé.

Le terrain social et économique contemporain a une incidence lourde, percutante, sur leurs services ; des réflexions pertinentes à ce sujet sont constamment en cours avec certains d’entre eux et ne manqueront pas d’être mentionné dans la préface qui ne peut pas faire l’impasse sur l’expérience de terrain – ce que souligne constamment l’essai du livre.

Le rôle des lois et de leur évolution est essentielle dans cette activité médico-sociale.

Des souvenirs « appelaient », rappelaient d’autres réminiscences. Des infirmiers ont été longtemps travaillés par ces entretiens. Ils nous téléphonaient ensuite pour nous confier des « secrets cachés à leur propre femme, à leurs plus proches amis ou collègues de travail », parfois sur plus de 20 ans. Secrets assez lourds à porter pour certains d’entre eux.

Par ailleurs nous avons par ailleurs préféré faire nos entretiens au départ avec les soignants, en général moins fragiles que les patients eux-mêmes.

L’ensemble de ces hôpitaux font partie du projet concrétisé à l’époque d’Haussmann afin de reléguer les indésirables hors de la capitale, projet qui prend sa source à l’époque des aliénistes (révolution française).

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photographies repérages et tournages Paule Muxel Bertrand de Solliers © de 1988 à 1992